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Sigo en el Top Uno por Mil / Feu la Mort

viernes, 31 de julio de 2015

Sigo en el Top Uno por Mil / Feu la mort





Feu la mort: Deuil, survie, résurrection

Conférence de Jacob Rogozinski lors du colloque "Derrida à venir, questions ouvertes" organisé par l’ENS et l’IMEC (AUDIO)

Feu la mort : c'est d'abord une citation détournée, une allusion au titre d'un livre de Derrida, Feu la cendre, admirable méditation sur le reste, le deuil, le sacrifice et l'holocauste, la "dispersion sans retour". L'incinération y est la marque de ce qui résiste au travail de deuil, d'une "affirmation de feu sans lieu ni deuil". Mais la cendre n'est pas la mort et toute mort ne laisse pas forcément des cendres : il y a plusieurs manières de mourir, plusieurs manières de penser la mort. Feu la cendre ou Feu la mort : les titres jouent sur une homonymie, sur les deux sens du mot français "feu", dont l'équivocité sémantique recouvre peut-être deux relations différentes à la mort. "Feu", dans notre langue, désigne le plus souvent le feu, la flamme qui réchauffe ou détruit -et, par dérivation, l'ordre mortel de faire feu. Entendue ainsi, l'expression "feu la mort" retentirait comme une déclaration de guerre : "au feu la mort!", "feu sur la mort!". Nous savons que le terme "feu" s'emploie également en français dans une locution un peu désuète pour qualifier un défunt : "feu Untel". Dans ce cas, le titre ne se laisserait plus entendre comme un mot d'ordre belliqueux, mais comme cet étrange et paradoxal énoncé : la mort est morte, c'en est fini de la mort. C'est qu'il ne s'agit pas du même feu -le feu en tant que flamme dérivant du latin focus, le foyer, alors que "feu" comme désignation d'un défunt provient de fatum, le destin. "Feu Untel" se dit en effet de celui qui a accompli son destin, l'inexorable destin de tout homme, de tout vivant, qui est de mourir. Ce qui engage une certaine conception de la destinée humaine, de l'existence comme finitude, et assigne à la pensée sa tâche : de nous apprendre à mourir, de s'y exercer ou de l'anticiper, selon une vénérable tradition qui irait de Platon et des Stoïciens jusqu'à Heidegger. Elle diffère de cette autre conception qui en appelle à une victoire ultime sur la mort, au point d'annoncer la mort de la mort. Vision ardente où il y va d'une flamme, d'un "lac de feu" où la mort serait à la fin des temps précipitée pour s'y consumer à jamais.



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