La mort en direct
Poursuivant une vieille obsession avec la focalisation, avec The Lady of the Lake et, oui, avec la mort en direct, j’ai déniché ce film de Bertrand Tavernier (1980) que j’avais raté à l’époque. D’après la présentation du DVD, "c’est l’histoire d’un homme, Roddy, qui a une caméra greffée dans le cerveau et qui filme donc tout ce qu’il regarde. C’est l’histoire d’une femme, Katherine Mortenhoe, qui s’enfuit pour ’mourir libre’. Voulant échapper aux médias, en l’occurrence une émission de télévision, elle ne sait pas qu’elle est aidée dans sa fuite par celui qui la filme . . . "
On voit bien que c’est un film qui anticipe certains des développements les plus intéressants de la métafiction cinématographique contemporaine: l’envahissement de la réalité par les médias, l’usage réflexif de la trash-TV et l’ambivalence de l’image reçue par le spectateur, dont on ne sait pas au juste à l’occasion s’il s’agit d’un signal interne au film ou bien de l’image extradiégétique, avec de belles possibilités d’ambiguité. Ce n’est pas dire que Tavernier les exploite à fond, mais il y a là certainement bien d’éléments intéressants pour nous qui sommes friands de la virtualisation de la réalité par les médias. On trouve de belles idées qui pourraient aboutir à des directions telles que The Truman Show, ou bien eXistenz, ou encore Matrix.
Ceci dit, il y a bien d’éléments absurdes dans le script, à commencer (ou finir) par la mort de l’héroïne. Y avait pas de quoi mourir et puis Romy Schneider, magnifique, n’arrive cependant pas à jouer la mourante, plutôt l’élégance dans la mort. Hélàs, elle allait mieux faire bientôt… c’est presque la mort en direct de ce point de vue, il y a des scènes un peu uncanny si l’on pense à Romy Schneider, bientôt suicide dans le film et dans la vie, en train de recevoir d’un docteur la fausse nouvelle, "Vous allez mourir", sous le regard des espions derrière le faux miroir, et derrière les faux yeux, et derrière l’écran… nous mêmes.
Il y a à craindre, aussi, que beaucoup de spectateurs trouveront à peine supportable le choix initial de présenter un hypothétique futur où "l’on ne meurt plus comme avant" sous l’habit d’un présent complètement plat, sans aucune concession au look sci-fi. Surtout lorsque ce présent-là devient un rétro-futur, vu un quart de siècle après… et, est-ce vrai que les gens s’habillaient et se peignaient ainsi en 1980? C’est bel et bien les seventies, ou encore les sixties.
Pour Harvey Keitel, c’est une expérience transformatrice que de jouer la caméra vivante dans cette charade, et il reviendra (comme Catherine) au passé, à sa première femme. Mais Romy choisit la mort plutôt que de vivre sous l’oeil de la caméra. Hélàs, il faut bien s’y habituer, bientôt on aura tous un webcam sous la paupière, ou devant elle.
La Mort en Direct. Dir. and coprod. by Bertrand Tavernier. Written by David Rayfiel and Bertrand Tavernier. Cast: Romy Schneider, Harvey Keitel, Harry Dean Stanton, Thérèse Liotard, Caroline Langrishe, William Russel, Vadim Glowna, Eva Maria Mbinere, Bertrand Wicki, Max von Sydow. Photog. Pierre William Glenn. Sound by Michel Desrois. Sets by Tony Pratt and Bern Lepel. Costumes by Judy Moorcroft. Ed. Armand Psenny and Michael Ellis. Music by Antoine Duhamel. Prod. des. Louis Wipf. Exec. prod. Jean Serge Breton. Selta Films / Little Bear / Sarra Films / Gaumont / Antenne 2 / TV 14 Munich, 1980. DVD. StudioCanal, 2005.*
3 comentarios
JoseAngel -
JoseAngel -
Fer -
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